Saisir une fraude

 

Présenté lors de la conférence  de l’ANZURA à Sydney en octobre 2015

J’AI COMMENCÉ CETTE PRÉSENTATION PAR UNE SIMPLE EXPÉRIENCE. Sans avertissement, j’ai produit un bruit très fort, de manière inattendue, qui a surpris l’assemblée et déclenché les sursauts typiques, les cris et les mouvements de secousse de tous comme prévu. J’ai informé les auditeurs que je venais juste d’activer leur réaction de peur et fis remarquer que maintenant ils étaient comme un seul corps, se comportant à l’unisson dans leur peur et je demandais si ce n’était pas  formidable que nous étions tous unis comme cela, tous ensemble? N’est-ce pas ce que nous cherchons tous? Une sorte d’unité  qui nous conduit à une fraternité afin que nous vivions en paix et en harmonie jusque dans la vie éternelle?

Eh bien, mes amis,  j’espère vous montrer aujourd’hui que cette façon de faire, est une fraude complète. La peur a un rôle à jouer dans notre survie, c’est d’accord, mais nous savons par les enseignements du Livre d’Urantia que la survie par elle-même ne suffit pas. Il doit y avoir une croissance pour passer du temps à l’éternité. La croissance est nécessaire sur le chemin du Paradis et au-delà.

 Rares sont les personnes qui vivent à la hauteur de la foi qu’elles possèdent réellement. La peur irraisonnée est une fraude intellectuelle maitresse pratiquée sur l’âme mortelle en évolution. [Fascicule 48:7.4, page 556.4] tiré de la mota morontielle, N°2

La peur est une fraude. Elle dit une chose et en fait une autre – à notre désavantage. Alors que la peur peut nous aider à éviter une menace immédiate et, à court terme, à survivre un peu plus longtemps, une peur irraisonnée et qui dure empêche en fait notre croissance à plus long terme et affecte même la croissance de notre âme. Ainsi, la peur menace la survie éternelle que nous recherchons. Elle retarde la croissance de notre âme et ralentit notre marche vers Dieu.

La survie est nécessaire pour commencer, parce qu’il faut bien partir de quelque chose, mais pour s’épanouir dans cette vie et dans la vie prochaine, la croissance doit être continue. C’est le modèle de vie universel, que ce soit pour qu’un jeune plant devienne un arbre, qu’un enfant devienne un adulte convenant à une entité spirituelle; qu’une religion primitive devienne la religion mondiale courante et  jusqu’à la lumière et la vie plantaire, etc. Ainsi, en explorant le lien entre la foi et le courage aujourd’hui, je voulais explorer l’une des choses les plus évidentes qui nous retient : la Peur.

La peur est envahissante, elle est partout. Elle va de nos cuisines aux rues, des écoles aux lieux de travail et jusqu’aux gouvernements, elle est dans les médias, entre les nations et entre les personnes.  La peur est active en nous et elle nous empêche d’être de meilleures personnes, de meilleurs partenaires, de meilleurs dirigeants et de meilleurs citoyens du monde. Nous avons peur en avion, peur des hauteurs, de l’obscurité, des serpents, et des araignées, de parler en public, des échecs, d’être rejetés, de nous engager, de l’intimité, de la mort. Et la liste se poursuit ! Nous jouons avec la peur dans les intrigues des films, des romans, des jeux et dans les parcs à thèmes.

La peur et l’anxiété sont réels et terriblement dévastateurs pour notre bien-être; elles sont invalidantes physiquement, mentalement, socialement et économiquement. Elles nous font mal et rendent malades, elles oblitèrent notre confiance en soi et nous retiennent de faire le pas vital suivant.

Les désordres fondés sur l’anxiété sont en hausse et deviennent plus répandus. Ils sont présents dans toutes les communautés et dans toutes les statistiques, sans discrimination. On rapporte que 1 sur 5 personnes de notre population est affectée à un niveau clinique. 20 % de la population est sujet à un désordre lié à la peur ! Cela pose un lourd fardeau aux niveaux économique, social et personnel. – cout des soins médicaux, perte de productivité et d’occasions, perte de progrès.

Cela n’est pas nécessaire.

Et bien sûr il y a la peur dans l’Église. Quelle ironie quand le cri de ralliement de leur Seigneur est « Ne craignez pas ! » Les anciennes religions ont toujours su le pouvoir de la peur et l’utilisent pour garder l’unité des gens. Instiller la peur du diable, comme les parents qui font peur aux enfants avec le père fouettard, a toujours tenu la congrégation dans son maintien de la moralité et des vertus. Ça marche, mais comme nous le voyons avec la détérioration des anciennes autorités, seulement jusqu’à un certain point.

Un groupe d’étude s’est tenu à Sydney récemment et nous avons considéré le rôle intéressant que la peur a joué dans notre histoire religieuse. Nous avons appris que :

  • Héritée de nos ancêtres animaux, la peur est manifestement essentielle à la survie. Si l’on supprimait notre capacité de réagir aux menaces réelles, nous serions morts avant de le savoir.
  • La peur donne naissance à la religion, elle

conduisit l’homme primitif à envisager le surnaturel ; elle établit ainsi des bases solides pour les puissantes influences sociales de l’éthique et de la religion, qui à leur tour préservèrent intactes de génération en génération les mœurs et les coutumes de la société. [ Fascicule 68:4.3, page 767.3]

  •  La religion a évolué par des améliorations progressives pour arriver finalement au concept d’un vrai Dieu.

La religion évolutionnaire nait d’une peur simple et toute-puissante, la peur qui surgit dans le mental humain confronté à l’inconnu, l’inexplicable et l’incompréhensible. La religion aboutit finalement à la réalisation profondément simple d’un amour tout-puissant, l’amour qui envahit irrésistiblement l’âme humaine quand elle s’éveille à la conception de l’affection illimitée du Père Universel pour les fils de l’univers. [Fascicule 90 : 0.3, page 990.5]

  • La peur superstitieuse est un échafaudage pour le concept de Dieu. Une fois qu’est atteinte une compréhension avancée de la Déité,

… l’évolution met immanquablement en marche les forces de pensée qui détruiront inexorablement l’échafaudage dont la mission est accomplie.  [Fascicule 90:3.10, page 990 .5]

Ainsi, pour paraphraser l’un des fameux percepteurs d’impôts de mon pays, c’est la peur qu’il nous fallait. Les critiques de la religion observent à juste titre que les religions sont apparues par la peur, ce qu’ils doivent encore saisir c’est  que la religion change et que cet échafaudage commence à tomber.

Anatomie de la peur

Maintenant je veux voir ce qui se passe vraiment quand nous éprouvons de la peur (une version très simplifiée de, une ‘neuroscience rudimentaire’). Nous nous référerons à ce diagramme sur la façon dont la peur agit sur le cerveau ; le système limbique, la partie la plus ancienne, la plus primitive de notre cerveau.

  • Les menaces sont perçues par nos sens – menace sur la vie ou le bien-être social personnel ; menace de l’inconnu : elle peut être réelle ou imaginaire.
  • Cette information est envoyée au thalamus et à l’amygdale (centre des émotions et système d’alarme)
  • Si le danger est immédiat, le temps de pensée/traitement doit être minimal, l’amygdale envoie l’information au cortex frontal mais bloque là le traitement long et envoie une réaction de lutte ou fuite directement au corps. C’est à dire qu’il interfère avec le traitement par le cerveau supérieur.
  • Les fonctions de l’amygdale, tout en assurant la survie, empêche de raisonner pleinement sur le danger et de prendre de saines décisions sur la manière de réagir à la menace.

Alors en quoi est-ce un problème pour l’âme ?

De nouveau :

La peur irraisonnée est une fraude intellectuelle maitresse pratiquée sur l’âme mortelle en évolution. [Fascicule 48:7.4, page 556.4] tiré de la mota morontielle N°2

Mais tout d’abord, revoyons précisément ce qu’est l’âme.

Dans le fascicule 111, L’Ajusteur et l’âme, il y a trois facteurs dans la création évolutionnaire de l’âme immortelle.

1. Le mental humain…
2. L’esprit divin qui habite ce mental humain et tous les potentiels inhérents à un tel fragment de spiritualité absolue, ainsi que toutes les influences et tous les facteurs spirituels qui lui sont associés dans la vie humaine.
3. La relation entre le mental matériel et l’esprit divin, qui dénote une valeur et comporte une signification ne se trouvant dans aucun des deux facteurs de cette association. La réalité de cette relation unique n’est ni matérielle ni spirituelle, mais morontielle. C’est l’âme. [Fascicule 111:2.4, page 1218.3-5]

Si, à chaque fois que nous sommes confrontés à des menaces, effrayés par un défi, terrorisés par le nouveau et l’inconnu, nous permettons que notre pensée supérieure soit court-circuité et que nous permettons une réponse irréfléchie, nous éliminons l’interaction entre notre mental et notre esprit quand nous en avons le plus besoin. Car, c’est dans ces moments où nous sommes poussés à nos limites et éprouvés que nous nous améliorons et que nous croissons. Nous savons que c’est le cas pour notre corps physique et notre mental, nous avons appris de ces enseignements que c’est aussi le cas pour notre moi spirituel.  

Nous voyons là la nature frauduleuse de la peur. La peur ne peut pas nous rapprocher de Dieu, bien au contraire. La peur ruine la relation mental-esprit, elle empoisonne la croissance de notre âme et donc nous éloigne de Dieu.

Les anges, nous dit le livre, ne sont pas très différents de nous.

Dépouillés de vos corps matériels et nantis de formes spirituelles, vous seriez très proches des anges par beaucoup d’attributs de la personnalité. Ils partagent la plupart de vos émotions et en éprouvent quelques-unes en supplément. La seule émotion qui vous fasse agir et qui leur soit quelque peu difficile à comprendre est l’héritage de peur animale qui occupe une place si importante dans la vie mentale de l’habitant moyen d’Urantia. Les anges trouvent réellement difficile de comprendre pourquoi vous permettez, avec tant de persistance, à vos pouvoirs intellectuels supérieurs, et même à votre foi religieuse, d’être pareillement dominés par la peur et d’être si complètement démoralisés par des paniques irréfléchies dues à la crainte et à l’anxiété. [Fascicule 113:2.5, page 1243.2]

Prévention— saisir la peur

La gestion de la peur est la gestion du mental. Nos phobies peuvent être traitées.

Beaucoup de science nous montre que nous pouvons réduire notre peur et faire face aux phobies. Nous avons développé des traitements qui fonctionnent : des thérapies qui reconditionnent notre processus de pensée, et des médicaments qui peuvent traiter tout facteur physiologique sous-jacent. Nous savons que nous ne pouvons pas vivre sans la peur. C’est notre système d’alarme de base. Mais nous avons aussi appris que nous n’avons pas à la supprimer, il nous suffit de la contrôler, de la gérer.

Le but de la gestion de la peur est de ne pas tenter de l’éliminer, mais plutôt de changer la façon dont on en fait l’expérience et dont on y réagit. Par exemple, apprendre en s’exposant, en s’exposant à une peur tout en étant à l’abri, le cerveau s’y adaptera et apprendra à ne pas en être effrayé. Cela est connu sous les nom « d’habituation » ou « conditionnement ». La peur peut être gérée ainsi avant de devenir un désordre d’anxiété. Nous savons que nous pouvons ralentir et choisir nos réactions à la peur, avec pour résultat que nous sommes moins réactifs à l’amygdale, et qu’ainsi notre sens de la peur soit réduit. Si nous avons le temps de prendre une décision, cela nous permet de prendre plus de choses en compte.

L’entrainement du cerveau est comme l’entrainement des muscles, il a besoin de « mise au point ». S’entrainer signifie s’exposer, s’habituer, se familiariser, faire l’expérience de, se préparer; la méditation est une approche qui a fait ses preuves, elle vous rend confiant et assuré que tout ira bien malgré la menace : le cerveau passera outre les impulsions de peur et bien que vous ressentiez la peur vous pourrez toujours choisir une action courageuse.

Le fait est que le changement est possible. Nous pouvons changer nos peurs en respect.

« Ce n’est pas ce qui nous arrive dans notre vie qui est cause de stress mais plutôt notre réaction à cela ». Nous ne pouvons pas changer ce qui nous arrive mais nous pouvons changer notre façon de réagir.

Or, si nous pouvons le faire au niveau physique et cognitif, il n’y a pas de raison de dire que nous ne pouvons pas le faire aussi au niveau spirituel.

Souvenez-vous du problème de l’Ajusteur :

Une grande partie de ma difficulté provenait de (entre autres choses) la fontaine de la foi polluée par les poisons de la peur  [Fascicule 111:7.5, page 1223.7]

Et de la mission de l’Ajusteur (en partie) :

Les Ajusteurs de Pensée aimeraient changer vos sentiments de crainte en convictions d’amour et de confiance, mais ils ne peuvent le faire arbitrairement et mécaniquement ; c’est à vous que cela incombe. En exécutant les décisions qui vous libèrent des entraves de la crainte, vous fournissez littéralement le point d’appui psychique sur lequel l’Ajusteur peut ensuite appliquer le levier spirituel d’une illumination qui vous élève et vous fait progresser. [Fascicule 108:5.8, page 1192.3] gras ajouté

Nous connaissons tous la peur, nous permettons que nous soyons victimes de la peur et nous savons comment elle opère. Et puisque vous connaissez la peur, cela vous met dans la meilleure position pour saisir cette  peur, l’arrêter et la surmonter avant qu’elle ne vous détruise. En ralentissant vos réactions à la peur vous donnez à votre mental supérieur une chance de la traiter correctement, de vous délivrer de son emprise d’esclavage, et vous permettez à votre esprit intérieur de se connecter à votre mental à ce moment-là et de faire croitre encore plus votre âme.

Et, bien entendu, l’ingrédient crucial qui va nous aider à ralentir nos réactions à la peur est la foi. Le courage vient avec la confiance et la certitude que fournit la foi, une certitude qui annule tout doute et tout inconnu qui peut tout d’abord conduire à la peur. La foi fournit la certitude par l’adversité, et vous arme de courage pour conquérir la peur.

Jésus a dit :

« Le psalmiste vous a exhortés à ‘servir le Seigneur avec crainte’, – mais moi, je vous invite à jouir des privilèges supérieurs de la filiation divine par la foi. Il vous commande de vous réjouir en tremblant ; moi, je vous demande de vous réjouir avec assurance. Il dit : ‘Embrassez le Fils, de crainte qu’il ne s’irrite et que vous périssiez quand sa colère sera allumée.’ Mais vous, qui avez vécu avec moi, vous savez bien que ni la colère ni le courroux ne contribuent à établir le royaume des cieux dans le cœur des hommes. »
 [Fascicule 155:1.2, page 1725.3]

« La vraie religion n’a pas simplement pour but d’amener la paix, mais plutôt d’assurer le progrès. Il ne peut y avoir ni paix dans le cœur, ni progrès dans le mental si vous ne tombez pas de tout cœur amoureux de la vérité, des idéaux des réalités éternelles. L’alternative de la vie et de la mort est placée devant vous – d’un côté les plaisirs coupables du temps, et de l’autre les justes réalités de l’éternité. Dès maintenant, vous devriez commencer à vous délivrer de l’esclavage de la peur et du doute en entrant dans la nouvelle vie de foi et d’espérance. Quand des sentiments de service envers votre prochain naissent dans votre âme, ne les étouffez pas ; quand des émotions d’amour envers le prochain jaillissent dans votre cœur, manifestez cette tendance affective par un ministère intelligent satisfaisant les besoins réels de votre prochain. »
[Fascicule 157:2.2, page 1745.1]